six ans après leur mise en place, les ZFE plus que jamais sur la sellette

Un pas de plus vient d’être franchi vers la suppression de l’une des mesures phares de la loi Climat de 2019. Les députés ont voté pour la suppression des « zones à faibles émissions » (ZFE), mercredi 28 mai 2025.
Créées il y a six ans, les ZFE visent à restreindre la circulation des véhicules polluants et limiter les émissions de particules fines. Elles ont été mises en place dans une quarantaine de métropoles.
Le gouvernement est opposé à leur disparition. Alors que 8,4 millions de personnes vivent dans les zones concernées, l’objectif de l’État était de couvrir 14 millions d’habitants avec une ZFE d’ici 2026.
2019 : création des ZFE
Annoncée dès 2018 par Élisabeth Borne, alors ministre des transports, la création de zones à faibles émissions est actée dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019. Cette mesure est justifiée pour des raisons de santé publique (la pollution de l’air causant 40 000 décès par an) et de respect des engagements environnementaux de la France.
Le texte rend obligatoire les ZFE dans les métropoles ne respectant pas les normes européennes de qualité de l’air. La directive européenne en vigueur (de 2008) fixe le seuil d’émissions de dioxyde d’azote à 40 microgrammes par mètre cube par an. Les émissions de particules fines PM10 et PM2.5, responsables de maladies respiratoires et cardiovasculaires, sont aussi encadrées.
En France, trois agglomérations dépassent ces limites et sont dans l’obligation de mettre en place les premières ZFE : Paris, Lyon et Grenoble. Les métropoles de Strasbourg, Rouen et d’Aix-Marseille se portent volontaires pour l’expérimentation.
Ces premières ZFE interdisent la circulation des véhicules Crit’Air 5 et non classés (véhicules diesel d’avant 2001 et essence d’avant 1997) à certaines heures et dans certaines zones. Selon une enquête de l’Insee de 2019, près de 38 % des ménages les plus pauvres en France possédaient alors un véhicule classé Crit’air 4 ou 5.
2021 : extension du dispositif
La loi climat et résilience de 2021 élargit le dispositif et rend obligatoire l’instauration de ZFE dans les métropoles de plus de 150 000 habitants. Un calendrier fixe l’interdiction progressive des véhicules polluants : restriction des Crit’Air 5 au 1er janvier 2023, des Crit’Air 4 au 1er janvier 2024, des Crit’Air 3 au 1er janvier 2025.
Les collectivités territoriales gardent la main pour délimiter le périmètre des ZFE et les dérogations possibles, mais sont tenues de respecter le calendrier si les seuils de pollution européens sont dépassés.
Parallèlement, le gouvernement prévoit des aides pour accompagner les ménages, comme le bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique ou hybride (jusqu’à 7 000 €) ou la prime à la conversion (de 3 000 à 5 000 €).
2023 : assouplissement de la législation
Alors qu’un premier rapport sur les ZFE est remis au gouvernement, le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, accepte d’assouplir les règles en juillet 2023, afin d’éviter des « gilets jaune bis ». D’après une consultation menée par des sénateurs, 86 % des personnes interrogées sont « défavorables » aux ZFE.
Le gouvernement fait 25 propositions pour adapter les ZFE aux réalités économiques et sociales : doublement des aides pour acheter des véhicules électriques, dérogations pour les ménages modestes, délais supplémentaires pour les professionnels et artisans, exonération des pompiers ou des ambulances. Le calendrier devient également plus souple.
2024 : sanctions et nouvelles normes européennes
Au 1er janvier 2024, les ZFE concernent onze agglomérations françaises et c’est au tour des véhicules Crit’air 4 (diesel avant 2006) d’être interdits. Des sanctions sont mises en place avec des systèmes de « contrôle automatisé ». Les contrevenants s’exposent des amendes allant de 68 € pour les véhicules légers à 135 € pour les bus ou les poids lourds.
Selon un rapport réalisé cette année-là par l’agence d’urbanisme de la métropole de Strasbourg, environ 4 % du trafic était en infraction vis-à-vis de la ZFE.
En 2024, la directive européenne sur la qualité de l’air est révisée et s’aligne sur les normes fixées par l’OMS. La valeur limite annuelle des émissions de dioxyde d’azote est réduite de plus de moitié par rapport à 2008.
Janvier 2025 : une quarantaine de ZFE
Les zones à faibles émissions s’élargissent à 29 nouvelles métropoles dont Bordeaux, Avignon, Chambéry, Mulhouse, Nantes, Lille… Quarante-trois villes sont désormais couvertes par les ZFE.
Les restrictions de circulation ne sont pas drastiques dans ces nouvelles agglomérations. Dans la majorité des cas, seuls les véhicules NC (datant d’avant 1997) sont interdits. À Lille, cela concerne 6 300 véhicules.
La loi distingue les « territoires ZFE », comme Paris et Lyon, qui continuent de dépasser les seuils de pollution et ont dû interdire la circulation de véhicules Crit’Air 3 depuis le 1er janvier, et des « territoires de vigilance », où la qualité de l’air évolue favorablement. C’est le cas de Strasbourg ou Rouen, qui ne sont plus tenus de respecter le calendrier.
Certaines villes font toutefois preuve de volontarisme, comme Montpellier et Grenoble qui choisissent de franchir le cap de l’interdiction des Crit’air 3, sans y avoir été obligé.
Mars 2025 : première menace sur les ZFE
Mercredi 26 mars 2025, des députés chargés d’étudier le projet de loi de simplification ont voté en commission pour la suppression des ZFE, pourtant soutenue par le gouvernement, dénonçant des mesures injustes socialement, pénalisant les plus pauvres. La mesure pour supprimer les ZFE, introduite à l’initiative de LR et du RN, doit maintenant être discutée en séance plénière à l’Assemblée nationale.
Mai 2025 : les députés votent la suppression des ZFE
Mercredi 29 mai 2025, les députés ont validé à 98 voix contre 51 la suppression des ZFE. La mesure est adoptée par grâce aux votes de l’alliance RN-UDR, de la droite, de LFI et de quelques macronistes. Écologistes et socialistes s’y sont largement opposés, tout comme certains députés MoDem et Horizons.
Le gouvernement, toujours opposé à cette suppression, avait proposé un compromis, pour sanctuariser les ZFE de Paris et Lyon, sans succès.
Laurent Wauquiez, patron des députés LR, a loué un vote pour « libérer les Français ». Sébastien Chenu, vice-président du RN, s’est lui félicité d’un « STOP » à un « symbole de l’exclusion sociale ». Le groupe LFI, a quant à lui salué une « victoire » contre « un dispositif injuste ».
Des députés estiment toutefois que cette abrogation des ZFE encourt un risque de censure au Conseil constitutionnel.