A Blatten, une humilité forcée face à la montagne
Plus suisse, tu meurs: la scène se déroule mercredi soir dans le petit village de Ferden, à l’entrée du Lötschental. Dans un café ni vraiment ouvert, ni vraiment fermé, et sur fond sonore de yodel, deux conseillers fédéraux et trois conseillers d’Etat partagent un frugal repas avec le propriétaire des lieux, des collaborateurs du Service valaisan des dangers naturels, et des membres de la protection civile qui avaient travaillé toute la journée. L’ambiance est à la fois simple et triste. Personne n’a commis d’erreur. Et personne n’a pu éviter la catastrophe. Un douloureux sentiment d’impuissance flotte dans l’air.
Quelques heures plus tôt, le pire des scénarios s’est réalisé. Le sommet du Petit Nesthorn et le glacier du Birch se sont effondrés dans la vallée. Vidé de ses 300 habitants, le village de Blatten a été presque totalement enseveli sous des millions de tonnes de gravats. Dans la petite salle de gymnastique de Ferden, face aux journalistes, le ministre Albert Rösti a tenu des propos banals mais nécessaires. Son rappel était sans doute indispensable dans une situation de crise inédite: «La nature est plus forte que les hommes. Tous les montagnards le savent.»
Dans le Lötschental, même l’expérience n’a pas suffi: le matin même, un célèbre glaciologue à la retraite, installé dans la vallée, prédisait que le glacier tiendrait le choc et que le drame serait évité. Le soir, le géologue cantonal semblait plus abattu que jamais. A quelques mois de la retraite, et après une vie passée à limiter les dégâts des catastrophes naturelles qui rythment les saisons en Valais, il n’avait pourtant rien à se reprocher. Pendant deux semaines, ses hommes se sont montrés efficaces et précis. L’évacuation ordonnée il y a dix jours a sauvé la vie de centaines de personnes.
Jeudi en fin de journée, un nouveau scénario du pire semblait se dessiner dans le Haut-Valais. Les eaux du lac qui se formait en amont de l’éboulement menaçaient de se déverser dans la vallée. Malgré l’armée et ses moyens, le sentiment d’impuissance réapparaît. Personne ne peut influer sur le cours des événements. Ces derniers jours, de nombreux spécialistes, optimistes en coulisses, se sont montrés prudents en public. Les éléments leur ont donné raison. Face à la montagne, l’humilité reste la seule posture raisonnable. Ceux qui l’oublient prennent le risque d’y perdre la vie.
Avant Blatten, les éboulements les plus importants de l’histoire de Suisse