L’atelier de la liberté
Chaque lundi, l’essayiste Nicolas Jutzet propose une chronique pour mieux comprendre pourquoi nous aimons la liberté, et comment elle peut nous aider à répondre aux défis contemporains. S’abonner à sa newsletter et retrouver toutes ses contributions
Au moment de lancer une discussion avec des personnes que vous ne connaissez guère, l’adage conseille d’éviter de parler de politique, d’argent et de religion. Dans son nouveau livre, The Two-Parent Privilege. How Americans Stopped Getting Married and Started Falling Behind, Melissa S. Kearney, professeure d’économie à l’Université du Maryland, fait exactement l’inverse. Pourtant progressiste, en s’intéressant aux structures familiales aux Etats-Unis, elle s’est rendu compte de l’influence positive prépondérante d’un facteur sur les parcours des enfants: celui d’avoir deux parents à ses côtés au quotidien. Même si elle est largement décriée, la famille nucléaire traditionnelle aurait donc de meilleurs résultats. Avec retenue, Melissa S. Kearney montre que les enfants élevés par deux parents – surtout quand ils sont mariés – ont de bien meilleures perspectives de vie. Autrement dit, ils ont de meilleurs résultats scolaires, un risque moindre de pauvreté durant l’enfance, puis des revenus plus élevés à l’âge adulte. Cette réalité est d’autant plus intéressante que l’effet positif de la stabilité familiale est vrai, peu importe le niveau d’éducation, l’âge ou l’origine des parents.
Avec son constat implacable, Melissa S. Kearney ne cherche pas à blâmer les familles monoparentales ni à idéaliser les familles traditionnelles et à faire du mariage la norme morale supérieure. Personne ne rêve du retour des mariages forcés ou ne souhaite qu’une personne malheureuse reste mariée simplement parce que statistiquement ce modèle à de meilleurs effets pour les enfants. Mais il s’agit, en contrepartie, d’arrêter de nier les mérites du modèle traditionnel et de cesser de le regarder avec dédain, comme une relique d’un passé qu’on souhaite rapidement oublier. Tout en célébrant, avec un sens critique peu aiguisé, les familles monoparentales. Car peu importe nos visions du monde si les faits montrent que les enfants qui grandissent dans un environnement stable, avec deux figures parentales, profitent in fine, en moyenne, de cette meilleure stabilité émotionnelle et de ressources pour se développer, il faut le reconnaître. Bien évidemment, cela ne garantit pas aux enfants de rencontrer le succès plus tard dans leur vie, mais maximise au moins les chances.
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