Durant le Covid, « on a bien senti le pouvoir protecteur du vaccin »

La Croix : Si les antivax se font beaucoup entendre depuis la pandémie de Covid-19, retrouve-t-on un effet de cette méfiance dans les chiffres en France ?
Anne-Claude Crémieux : Dans les faits, le son de cloche est nettement différent. La crise du Covid-19 a eu un effet important sur la perception de la vaccination et de l’innovation vaccinale, mais dans un sens positif ! La population est plus favorablement sensible à la vaccination qu’avant la période pandémique. Les enquêtes que nous avons en notre possession révèlent qu’environ 84 % des Français sont favorables ou très favorables à la vaccination, ce qui est une hausse de plus de 10 points par rapport à la période d’avant-Covid.
Comment l’expliquer ?
A-C. C. : Le Covid a révélé la vulnérabilité de la population aux infections. C’est la première fois depuis longtemps que l’on a vu, en temps réel, une menace très importante et que le vaccin a été perçu comme salvateur. Jusqu’alors, la majorité des vaccins étaient administrés aux Français alors même que les épidémies étaient derrière nous, notamment pour les maladies infantiles. C’est d’ailleurs l’un des gros problèmes de la vaccination : plus elle est efficace, moins on voit le danger. Là, justement, on a bien senti le danger et, donc, le pouvoir protecteur du vaccin. Cela a provoqué une prise de conscience.
Vous dites que la confiance dans l’innovation a elle aussi augmenté. Ce n’était pas le cas jusqu’à maintenant ?
A-C. C. : On a beaucoup entendu dire pendant la crise que les nouveaux vaccins ne seraient pas acceptés. Cette idée était très répandue, notamment parmi les médecins qui côtoient des patients tous les jours. On a finalement constaté à quel point c’était faux. Avant même la mise en place du passe sanitaire, en juin 2021, 80 % des Français se disaient favorables au vaccin Covid. Ce qui est très intéressant surtout, c’est que ça s’est concrétisé dans la période post-Covid.
Sur quels vaccins par exemple ?
A-C. C. : L’exemple le plus remarquable est le Beyfortus (le vaccin contre le virus respiratoire syncytial et la bronchiolite, NDLR). Lorsque l’État a mis de côté des doses après son arrivée sur le marché, en 2023, il a tablé sur une acceptabilité relativement faible. Résultat : tout le monde a été totalement débordé. Lors de la campagne hivernale 2023-2024, les doses n’étaient pas suffisantes pour répondre aux besoins des parents, qui se sont précipités dessus.
La raison est simple : l’épidémie de bronchiolite de l’année précédente avait été très importante. Les images montrant les hôpitaux submergés et certaines familles parfois obligées de parcourir des kilomètres pour soigner leur bébé ont inquiété. Le succès de ce vaccin a totalement surpris, mais cela conforte que nous sommes en présence de « générations Covid », qui ont compris que l’innovation pouvait être un progrès majeur.
Mis à part la bronchiolite, l’acceptabilité d’autres vaccins s’est-elle améliorée ?
A-C. C. : Oui, cela s’est renouvelé avec le vaccin bronchiolite chez les femmes enceintes. En décembre 2024, trois mois après le début de la première campagne de recommandation de la Haute Autorité de santé, 30 % d’entre elles étaient déjà vaccinées. Nous n’avions jamais vu ces taux auparavant, encore moins chez les femmes enceintes. Cela pulvérise les idées reçues sur l’acceptabilité. Mais encore une fois, cela révèle que, quand il y a une perception du risque et une confiance dans l’efficacité du vaccin, les gens se font vacciner.
On l’a d’ailleurs revu de manière spectaculaire avec la vaccination coqueluche de la femme enceinte. Les recommandations datent de 2022 et, alors qu’on était très en retard, en 2024, 72,4 % d’entre elles se sont fait vacciner. On a dépassé les chiffres de l’Angleterre, pays qui était très en avance.
Que faire maintenant pour continuer à augmenter l’adhésion et la couverture vaccinale des Français ?
A-C. C. : Il y a un avant et un après-Covid dans la vaccination. Maintenant, il faut être digne de cette confiance et chercher des explications quand la couverture vaccinale n’est pas au rendez-vous : simplifier le calendrier vaccinal, par exemple, de façon à ce que tout le monde sache où il en est – ce qui n’est pas le cas de 50 % des gens aujourd’hui ! Il faut aussi que tout le monde comprenne l’intérêt des vaccins, en informant mieux, en rassurant les patients, en leur rappelant que nous sommes transparents sur les effets indésirables, et que, d’ailleurs, la pharmacovigilance s’est considérablement développée grâce à la pandémie.
Enfin, n’oublions pas que les acquis peuvent toujours bouger. Un discours politique dominant antivaccin peut faire des dégâts considérables sur les gens indécis. L’inquiétude sur ce qui se passe aux États-Unis est évidente. L’augmentation des cas de rougeole est un signe d’alerte qu’il faut prendre au sérieux.