Le Pakistan dit s’attendre à une «frappe» indienne, l’Inde ferme son espace aérien aux avions pakistanais
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L’Inde ferme son espace aérien aux avions pakistanais
Deux jours après cette attaque, après des séries de sanctions diplomatiques, des accords rompus et des visas annulés, les deux pays nés en 1947 d’une partition sanglante ont commencé à échanger des tirs. Pour la sixième nuit consécutive, leurs soldats, parfois à quelques dizaines de mètres de distance sur la Ligne de contrôle (LoC), la frontière de facto au Cachemire, ont tiré, rapporte mercredi matin l’armée indienne.
Le Pakistan, lui, ne commente pas, même si des habitants ont confirmé au moins deux épisodes de tirs nocturnes. Islamabad a en revanche annoncé avoir abattu deux petits drones de surveillance indien entrés dans son espace aérien au Cachemire en l’espace de 24 heures.
Signe des tensions croissantes entre les deux puissances nucléaires voisines, les autorités indiennes ont annoncé mercredi la fermeture de l’espace aérien du pays aux avions pakistanais, répondant à l’interdiction par Islamabad du survol de son territoire aux avions indiens le 24 avril.
«Une frappe militaire dans les prochaines 24 à 36 heures»
Si ces escarmouches n’ont fait ni victimes ni dégâts d’importance, «le Pakistan dispose de renseignements crédibles selon lesquels l’Inde a l’intention de lancer une frappe militaire dans les prochaines 24 à 36 heures, en utilisant l’incident de Pahalgam comme prétexte», a annoncé en pleine nuit le ministre pakistanais de l’Information, Attaullah Tarar.
«Toute agression entraînera une riposte décisive. L’Inde sera pleinement responsable de toute conséquence grave dans la région», a-t-il prévenu, alors que les deux pays comptent ensemble un habitant sur cinq de la planète.
Narendra Modi demande une «riposte indienne à l’attaque»
Selon l’entourage de Narendra Modi, le chef du gouvernement ultranationaliste hindou à New Delhi a donné mardi carte blanche à l’armée pour organiser la «riposte indienne à l’attaque». Il a dit à ses chefs d’état-major qu’ils «avaient la liberté de décider des cibles, du moment et du mode de la riposte», selon une source gouvernementale, et «réaffirmé la détermination nationale à porter un coup déterminant au terrorisme».
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Un témoignage au Cachemire
Au Cachemire pakistanais, en prévision du pire, le million et demi d’habitants des villages proches de la LoC dégagent de la place dans leurs bunkers de fortune. Mohammed Javed, 42 ans, raconte avoir décidé de construire sa petite pièce souterraine de béton en 2017 après une précédente flambée de tension.
«Avec les provocations indiennes, on s’est tous réunis pour nettoyer les bunkers. Comme ça, en cas d’escalade, on pourra se mettre à l’abri des tirs ennemis», dit-il.
Le Pakistan se fait menaçant face à l’ONU
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, s’est, lui, entretenu séparément par téléphone avec le premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif et le ministre indien des Affaires étrangères Subrahmanyam Jaishankar pour les appeler à «éviter» la confrontation et ses «conséquences tragiques». Shehbaz Sharif a dit avoir «encouragé» Antonio Guterres «à conseiller à l’Inde d’agir de manière responsable et de faire preuve de retenue», menaçant: «le Pakistan (se) défendra (…) de toutes ses forces en cas d’initiative malheureuse de l’Inde».
Le secrétariat d’Etat américain a annoncé que Marco Rubio allait contacter ses homologues indien et pakistanais pour les exhorter à «ne pas aggraver la situation».
L’attaque à Pahalgam «semble avoir donné au gouvernement de Modi le prétexte qu’il attendait pour répondre à son envie d’escalade guerrière», commente mercredi Dawn, titre pakistanais de référence en anglais. «Même une frappe limitée de l’Inde pourrait mener à une déflagration plus large», prévient le quotidien, plaidant pour «une approche plus rationnelle, sans céder à la provocation, et une prise de recul».
Une poussée de fièvre en 2019
En 2019 déjà, après une attaque meurtrière contre ses soldats, l’Inde avait mené un raid aérien au Pakistan douze jours plus tard et Islamabad avait ensuite riposté. Les hostilités avaient rapidement cessé, notamment grâce à une médiation diplomatique américaine.
La Chine, grand acteur régional, a de nouveau appelé ses deux voisins à «la retenue» pour «maintenir la paix et la stabilité régionales», alors que Ryad dit déjà être en contact avec ses deux alliés pour éviter une escalade.
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Déjà 2000 interpellations
Au Cachemire contrôlé par l’Inde, et depuis les minutes qui ont suivi l’attentat, les forces de sécurité poursuivent leur gigantesque traque pour retrouver les auteurs de l’attentat et leurs complices. Dans la région à majorité musulmane, elles multiplient arrestations et interrogatoires – déjà 2000 personnes ont été interpellées – et ont détruit neuf maisons liées aux suspects de l’attaque et à leurs complices.
La police indienne a pour sa part diffusé le portrait-robot de trois d’entre eux, dont deux Pakistanais. Elle les accuse de faire partie d’un groupe proche du LeT, le mouvement jihadiste Lashkar-e-Taiba basé au Pakistan, déjà soupçonné des attaques qui avaient fait 166 morts à Bombay en 2008.